En classe, Dietrich Fischer-Dieskau se distingue surtout en musique ; il fut très tôt impressionné par l’opéra et découvrit le monde du Lied avec Emmi Leisner. Adolescent, il participe à toutes les manifestations musicales de son lycée et dirige même la chorale de l’établissement ; ce goût pour la direction d’orchestre lui restera toute sa vie.
A seize ans, il commence des études de chant au Conservatoire de Berlin ainsi que des études poussées à l’Université : son premier professeur de chant est Georg A. Walter et ensuite Hermann Weissenborn à l’Académie de Berlin. Il donnera ses premiers récitals dans un camp américain de prisonniers de guerre en Italie, de 1945 à 1947. Libéré, il reprend ses études à l’Académie et enregistre Le voyage d’hiver de Schubert pour la radio. En 1948, il entre à l’Opéra de Berlin où il fait ses débuts dans Don Carlos de Verdi et est engagé comme premier baryton. En 1949, il épouse la violoncelliste Irmgard Poppen (morte en 1963) dont il aura 3 fils et rencontre Wilhelm Furtwängler qui ne resta évidemment pas insensible à son talent (en 1951, il chante Mahler sous sa direction au Festival de Salzbourg). En 1952, il fait ses débuts aux Etats-Unis et en 1954, à Bayreuth, il incarne Wolfram dans Tannhäuser de Wagner.
Dès la trentaine, Dietrich Fischer-Dieskau ployait déjà sous les honneurs et l’admiration d’un public toujours plus nombreux et d’une critique unanime (" Le plus grand baryton du monde " ou " Le plus grand baryton de notre temps "). Humaniste, il comprend en profondeur la littérature allemande et laisse des enregistrements inoubliables des Lieder de Schubert, Schumann, Brahms, Wolf ou Mahler. Dans le domaine de l’opéra, il donnera à Salzbourg, à Vienne ou à Bayreuth des interprétations d’une grande finesse et intelligence, sans oublier une présence scénique et une puissance dramatique indiscutables : il chante Wagner, Berg, R. Strauss ou Verdi (rôles de Falstaff à Vienne sous la direction de Bernstein et Visconti, de Macbeth à Salzbourg avec Sawallisch et Schuh, de Wozzeck, du Docteur Schön dans Lulu, de Jochanaan dans Salomé, de Barak dans La femme sans ombre, d’Amfortas dans Parsifal…). Il crée également de nombreuses œuvres contemporaines (1961, Elégie pour de jeunes amants de Henze ; 1962, War Requiem de Britten à Coventry ; 1966, The Vision of St Augustin de Tippett ; 1978, Les Espaces du sommeil de Lutoslawski…).
En 1978, il se remarie avec la soprano Julia Varady. Vers 1980, il aborde la direction d’orchestre et en 1982, il commence à se consacrer à l’enseignement et devient professeur à la Hochschule der Künste de Berlin.
C’est en 1993 qu’il quittera la scène discrètement, mais il va continuer activement et généreusement à enseigner, à diriger, à peindre et à écrire essais et souvenirs.
Dietrich Fischer-Dieskau plus que tout autre aura marqué l’histoire du chant et notamment l’interprétation du Lied : régnant en maître et en perfectionniste sur ce microcosme musical qu’est le Lied, il fera comprendre au plus grand nombre son essence même en en repoussant le plus loin possible les limites expressives. Dans le Lied, l’art de ce grand baryton est souvent bien proche de celui du conteur.