À la veille du dixième anniversaire du 11 septembre, San Francisco, la progressiste, a servi d'écrin à la première mondiale de cet opéra contemporain. Le War Memorial Opera n'a pas hésité une seconde à programmer le récit lyrique de la vie fascinante de Rick Rescorla, héros et victime du World Trade Center. Avec en toile de fond les attentats qui ont changé la face du monde, le spectateur découvre une œuvre complexe mais accessible, où sont abordées des questions profondes.
Francesca Zambello a réalisé la mise en scène. « Je pense qu'il est important de souligner que ce n'est pas seulement une histoire sur le 11 septembre, précise-t-elle. Il est important de le commémorer, d'où la première ce soir, mais cette œuvre va bien au-delà, je ne veux pas qu'elle soit réduite aux seuls attentats. » Et de poursuivre : « parce qu'elle pose des questions telles que : c'est quoi l'Amérique ? Quelle est notre place dans le monde ? Comment faisons-nous honneur à tous ceux qui sont tombés et sont morts au nom de la démocratie ? Il y a aussi la question du Christianisme et de l'Islam. Pourquoi y a-t-il eu un 11 septembre ? Qu'est-ce que l'âme d'un soldat ? »
Rick Rescorla était chargé de la sécurité chez Morgan Stanley, dans la tour sud. Il est parvenu à faire sortir 2 700 personnes. Retournant dans le bâtiment pour un dernier contrôle, il n'en est jamais revenu. Sur scène, il est incarné par le baryton Thomas Hampson. « Le fait est que les héros sont des gens tout à fait normaux qui, au bon moment, quand cela devient nécessaire, ont la force de transcender la normalité à cause de la crise, du danger, de la nécessité de protéger les vies dans leur entourage. Rock Rescorla a fait des choses extraordinaires, son histoire est fabuleuse, mais il était juste une personne qu'on aime cotoyer, quelqu'un de bon, c'était un homme bien. »
L'opéra raconte également l'amitié qui liait Rick à Dan Hill, son compagnon d'armes au Vietnam notamment, qui a toujours été présent pour lui dans toutes les circonstances de la vie. Sur le plan personnel, l'opéra revient sur sa rencontre avec Susan, l'amour de sa vie, son âme sœur. Rick avait alors 58 ans. « Ce sont des amoureux qui ont la cinquantaine. Dans les opéras, comme La Bohème par exemple où Mimi et Rodolfo ont une vingtaine d'années, où sont les quinquagénaires ? C'est l'âge moyen de notre public ! Donc je pense que c'est émoustillant et enthousiasmant de voir ce couple se découvrir à 58 et 50 ans, et s'unir ! » se réjouit Francesca Zambello.
Mais ce matin du 11 septembre 2001, par un ciel sans nuage, la vie de Rick Rescorla, 62 ans, et de plusieurs milliers de New Yorkais allait tragiquement basculer. « Je pense qu'il n'a pas eu le choix, estime Thomas Hampson, il n'a jamais consciemment hésité à retourner dans la tour pour évacuer les gens. Je crois sincèrement qu'il pensait avoir le temps. Personne n'imaginait que ces tours s'effondreraient avant une heure de l'après-midi. Rick y est retourné parce qu'il n'était pas sûr à 100% que chaque être humain sous sa responsabilité avait pu sortir de cet immeuble. Et il pouvait encore marcher, il était encore fort. Voilà qui était Rick Rescorla. »
Dans ce reportage, vous pouvez entendre des extraits de Heart of a Soldier, un opéra signé Christopher Theofanidis and Donna Di Novelli.