Le ténor français Benjamin Bernheim faisait ses premiers pas sur la grande scène lyrique de la capitale autrichienne, ajoutant un nouveau rôle à son répertoire, celui de Nemorino. « Pour moi, Nemorino c’est la jeunesse, » nous explique-t-il dans un des salons de l'opéra d'Etat, la veille de la première. « C’est la jeunesse et c’est la naïveté. C’est avant de connaître le grand amour, c’est avant d’être capable de comprendre comment, comment on fonctionne en société, le désir, se faire désirer... »
Nemorino brûle d'amour pour Adina, interprétée par la soprano moldave Valentina Naforniţă, aussi superbe que talentueuse. « Au début, elle joue avec les sentiments de Nemorino, mais dès qu'elle se rend compte qu'elle éprouve quelque chose pour lui, on découvre un nouveau visage d'Adina, plus profond. » Adina refuse finalement sa main à un bel officier pour Nemorino, qui y voit l'effet de l'élixir d'amour que lui a vendu un charlatan - un simple porto.
Pour le chef d'orchestre, compositeur et écrivain, Frédéric Chaslin, « c’est une histoire qui est très simple, très claire, très limpide, drôle, avec des très beaux airs. C’est une très bonne initiation au bel canto de cette époque du moins. » L'Elisir d'amore, un défi pour l'orchestre ? Le Maestro balaie cette idée d'un revers de main : « Pour un orchestre comme l’Orchestre philharmonique de Vienne, c'est vraiment très facile. Pour les chanteurs, bien entendu, c’est le contraire. C’est-à-dire que ce sont des morceaux de bravoure l’un derrière l’autre ! »
Dans une ville comme Vienne, où l'opéra est une seconde nature, Benjamin Bernheim était bien évidemment attendu sur son interprétation de Una Furtiva Lagrima, l'air le plus connu du chef-d'oeuvre de Donizetti. Ce fut un sans faute, ovationné par un public conquis. La veille de cette performance, Benjamin Bernheim nous confiait son secret : « Domingo et Pavarotti, dans leur masterclass, disaient toujours : "Ne chantez pas cet air comme si c’était un air triste. C’est le moment le plus joyeux de sa vie à Nemorino ! Il a enfin eu un effet sur Adina. Il a vu Adina pleurer" ! »
Benjamin Bernheim compte bien mettre en pratique les conseils que lui avait proférés feu le ténor italien Carlo Bergonzi dans le cadre de son académie verdienne à Busseto. « Il m'avait dit qu'il avait essayé d'avoir Nemorino au moins une fois par saison, toute sa carrière, pour garder la voix fraîche. » Et d'ajouter – dans un sourire dont la candeur s'associe à la maîtrise vocale pour servir son personnage : « C’est un rôle qui fait beaucoup de bien parce que c’est un rôle qui n’est pas du tout chargé négativement. Il apporte énormément de sourire à la voix. »
L'Elisir d'amore a décidément rendu Benjamin Bernheim irrésistible à Vienne.