Vienne, l'illustre cité des arts et de la musique, et son prestigieux Konzerthaus : quel bel écrin pour Simon Boccanegra de Verdi ! Dans cette version de concert présentée récemment, le talentueux baryton américain Thomas Hampson incarne le corsaire devenu doge de Gênes. « La véritable essence de la plupart des opéras de Verdi, c'est le déchirement entre le succès – la responsabilité envers la société – et sa propre tragédie – son dilemme intime – », lance-t-il.
D'abord allié de Simon, puis son pire ennemi, le courtisan Paolo est interprété par le baryton-basse italien Luca Pisaroni qui a justement grandi dans la ville natale de Verdi. « C'est mon premier opéra de Verdi et vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureux parce que j'ai grandi en l'écoutant ! » assure le chanteur lyrique avant d'ajouter : « jusqu'à maintenant, j'ai interprété du Mozart, du Rossini et aujourd'hui, je lis Giuseppe Verdi sur les partitions : je peux dire que là, je me sens chez moi. » Autre source d'enthousiasme pour Luca Pisaroni : « jouer le méchant ». « C'est un tel plaisir de pouvoir faire des choses que l'on ne peut pas faire dans la vraie vie » estime le baryton-basse, « on regarde les partitions et on se dit : « à présent, je vais prendre des chemins que je n'ai pas l'habitude d'emprunter. » »
Thomas Hampson et Luca Pisaroni partagent la scène, mais aussi la même famille : Luca s'avère être le gendre de Thomas. Les deux hommes se rejoignent sur leur admiration pour chacun de leurs personnages. Pour le baryton-basse, « c'est beaucoup plus effrayant si le méchant est un personnage subtil, discret… » « Et qui sourit », renchérit son beau-père. Luca ne peut s'empêcher de penser à la prestation de Thomas dans Otello au Metropolitan Opera de New York : « Vous auriez dû le voir là-bas ! » « « Je devais répéter tout le temps : Cassio, Cassio ! » se souvient Thomas Hampson, encore emporté par l' énergie de son rôle.
Pour le chef d'orchestre Massimo Zanetti, Simon Boccanegra comporte « quelques-unes des pages les plus extraordinaires que Verdi ait jamais écrites. » « Dans le Prologue, il y a une sorte de sonorité liquide qui fait penser à un « Nocturne » à la mer. Ces premières mesures en mi majeur particulièrement étonnantes font l'effet d'une révélation, » souligne-t-il avant de poursuivre : « c'est comme si on ouvrait légèrement une fenêtre et que l'on respirait profondément : dans cet opéra, on respire l'air de la mer du début à la fin. »
Pour Thomas Hampson, il faut retenir un autre aspect : « il n'appelle personne à la raison, il n'appelle à rien d'autre qu'à l'amour, à l'amour fraternel, » insiste-t-il avant de citer Verdi à sa façon : « pourquoi ne pas trouver en nous, la compassion, nous concentrer sur nos ressemblances et laisser nos différences de côté ? »
Cette œuvre sombre, complexe et tourmentée en dit long sur l'amertume éprouvée par Verdi en tant qu'homme. D'après Massimo Zanetti, « chez Simon, il y a cette impossibilité de réconcilier l'individu et la société et peut-être même qu'il ne peut y avoir aucune réconciliation entre l'individu et l'Histoire : l'Histoire finit toujours par décevoir Verdi. »