La soprano bulgare chante le rôle titre de l'opéra de Puccini pour la première fois de sa carrière au Met. Une performance éblouissante.
C’est l‘événement lyrique de ce début d’année à New York. Sonya Yoncheva sublime Tosca, l’héroïne de l’opéra de Puccini, sur la scène du Metropolitan Opera. C’est la première fois que la soprano bulgare interprète la diva au destin tragique dont la version de Maria Callas reste encore dans les mémoires.
Une Tosca jeune et impulsive
Mais Sonya Yoncheva a su s’approprier le rôle. À sa Tosca, la jeune femme de 37 ans a voulu apporter sa fraîcheur. « Je n’ai jamais cru qu’elle était une diva arrogante » explique-t-elle. « Tosca est une toute jeune femme, elle aime pour la première fois. Aussi, sa façon d’exploser, ses réactions si impulsives et si puissantes s’expliquent par le fait que, quand il s’agit de défendre son amour, elle lance ses répliques comme ça ! »
La première représentation de Tosca a été donnée en 1900 à Rome, théâtre de l’intrigue inspirée par la pièce du Français Victorien Sardou. Giacomo Puccini situe l’action en juin 1800, dans un contexte d’instabilité politique en Italie sur fond de guerre napoléonienne.
Tosca aime le peintre Mario Caravadossi, interprété au Met par le ténor italien Vittorio Grigolo. Mais alors que Mario apporte son aide à l’ancien gouverneur de Rome qui vient de s‘évader de prison, l’avenir du couple s’assombrit. Le baron Scarpia, chef de la police, qui convoite depuis longtemps Tosca va saisir cette opportunité pour se débarrasser de son rival et parvenir à ses fins.
Retour en force du traditionnel
Le baryton serbe Željko Lučić est un habitué du rôle. « Ce que tout le monde sait de Scarpia, c’est qu’il est extrêmement diabolique. C’est presque une règle tacite : les ténors et les sopranos jouent les gentils et il y aura toujours un petit baryton pour essayer de gâcher l’ambiance entre eux, ce qui est exactement le cas dans cet opéra ! »
Željko Lučić ne cache pas son aversion pour les mises en scène ultra-contemporaines qui dépouillent les œuvres classiques de leur faste d‘époque, une tendance dominante ces dernières années. D’où son soulagement quand il a découvert la nouvelle production de David McVicar. Un retour au traditionnel impulsé par l’intendant du Met Peter Gelb. « Cette production obéit à un tout nouveau style de mise en scène que je qualifierais de classique ! » déclare-t-il dans un sourire complice. « Ce que j’adore parce que les costumes, les décors, tout autour de nous est conforme à l’original ! »
Un deuxième acte époustoufflant
Son personnage se révèle dans toute sa perversité au deuxième acte lorsqu’il achète les faveurs de Tosca avec la promesse de gracier son amant. La tension va crescendo, mais Željko Lučić nous livre un Baron Scarpia tout en contrôle qui tranche avec ses interprétations précédentes du personnage. « Tout le monde pense que 60 à 70% du rôle consiste à crier et hurler. Mais non. Il est très sûr de lui, très solide dans sa noirceur ». C’est la première fois qu’il s’attache à faire ressortir ce côté glaçant du personnage, calculateur et méthodique, sur les conseils de David McVicar. « Je pense que dorénavant, c’est ainsi que je jouerai le baron Scarpia », déclare-t-il.
Ce deuxième acte qui culmine avec la mort de Scarpia poignardé par Tosca est réputé vocalement difficile pour une soprano, du fait de sa durée mais aussi parce que les aigus sont très sollicités. Sonya Yoncheva le reconnaît : « Le deuxième acte est un réel défi. C’est une partie extrêmement dramatique, vous avez vraiment besoin de toutes les couleurs de voix. J’essaie de calibrer ma puissance et l’intensité du jeu ».
Défi relevé pour Yoncheva
Le troisième acte, dramatique dans le jeu, est par comparaison très court. Tosca ne se rend compte qu‘à la toute fin que le perfide Scarpia n’a lui non plus pas tenu sa part du marché. Ce qui devait être un simulacre d’exécution se solde par la mort de Mario sur qui le peloton a tiré à balles réelles. Désespérée, alors que l’on vient l’arrêter pour le meurtre de Scarpia, Tosca se jette dans le vide.
Tragique et exigeant, Tosca est un rôle clé dans le répertoire d’une soprano. “Oh c’est un rôle monumental !“ admet Sonya Yoncheva. « C’est vraiment enivrant de l’interpréter et c’est un énorme défi que de le jouer et de le chanter. Donc pour moi, c’est une expérience exceptionnelle, vraiment ».
La réussite de cette nouvelle Tosca est d’autant plus magique que ni Sonya Yoncheva, ni Vittorio Grigolo, ni Željko Lučić n’avaient été pressentis à l’origine pour les rôles principaux. Le trio ne s’est formé qu’au fil des désistements de Kristine Opolais, Jonas Kaufmann et Bryn Terfel.
Cette nouvelle production sera diffusée en direct du Met le 27 janvier dans les cinémas Pathé à travers le monde.