La première version d’Ariane à Naxos de 1912 avait été conçue au départ comme un divertissement ajouté à la fin du Bourgeois gentilhomme de Molière, mais cette version fut un échec essentiellement à cause de la longueur de la représentation et au manque d’unité entre la pièce française et l’opéra allemand. Pour la deuxième version définitive créée en 1916 au Hofoper (l’actuel Opéra d’État de Vienne), Richard Strauss et son librettiste Hugo von Hofmannsthal adoptent la solution de séparer la musique de la pièce et de créer un nouveau prologue chanté. Dans cette version, le prologue se déroule chez un nouveau riche viennois qui ordonne qu’on représente l’opera seria « Ariane à Naxos » en même temps qu’un opéra bouffe par une troupe italienne ! Le résultat est un opus plein d’esprit, heureux mélange de néo-baroque et de romantisme tardif, qui met en scène un savoureux jeu de théâtre dans le théâtre, avec une certaine aspiration philosophique.
Le metteur en scène Sven-Eric Bechtolf signe ici une production pétillante dans la même institution qui a vu naître l’œuvre, avec une direction musicale magistrale par le chef d’orchestre Christian Thielemann et une brillante distribution de solistes orbitant autour des superbes Soile Isokoski (dramatique à souhait dans le rôle d’Ariane), Daniela Fally dans le rôle pyrotechnique de Zerbinetta et une Sophie Koch très émouvante dans le rôle travesti du Compositeur.