Il est étrange de penser que si Rachmaninov et Prokofiev n'avaient pas été conduits à une mort relativement précoce par les divers harcèlements de leurs modes de vie américain et soviétique respectifs, tous deux auraient été en bons termes avec André Previn.
On a du mal à comprendre combien l'opinion occidentale sur l'œuvre de Rachmaninov était sélective au moment où Previn commença à défendre le compositeur. Quand il se mit à enregistrer pour EMI au début des années 1970, il fit clairement savoir qu'il lui fallait revenir sur l'épique symphonie sans les coupures qu'il avait faites, comme c'était l'usage à l'époque, dans son premier enregistrement de l'œuvre avec le London Symphony Orchestra pour RCA en 1966. Les concertos pour piano étaient déjà bien implantés au répertoire, bien sûr : Previn commença par enregistrer le Premier et le Quatrième Concerto, moins souvent joués, avec Leonard Pennario, quelques huit années avant son célèbre cycle Decca avec Vladimir Ashkenazy. Mais le public plus large en Grande-Bretagne connaissait certainement moins bien l'œuvre qui était la plus chère à Rachmaninov lui-même, l'étonnante symphonie chorale Le Cloches, quand Previn en donna la première audition aux Proms en juillet 1973.
Au milieu des années 1970, la carrière de Previn en tant qu'animateur de télévision dans le domaine musical battait son plein. André Previn's Music Night n'était jamais condescendant envers le public, et l'étendue du répertoire, loin d'être rudimentaire, fut illustrée par deux microsillons. La suite Lieutenant Kijé de Prokofiev est tirée d'une Music Night donnée devant le public de Fairfield Hall de Croydon, salle très admirée par les ingénieurs du son pour les indispensables « impuretés » du son, soirée qui comprenait également une lecture très acérée de l'éblouissant Troisième Concerto pour piano, par son plus grand interprète après le compositeur lui-même et William Kapell, Martha Argerich.
© David Nice / ICA (extraits)
Traduction : Dennis Collins.