Au sommet de la vague jazz depuis cinquante ans, Chick Corea est un roi de l’improvisation. Aventurier de la musique, le pianiste américain a exploré tous les genres et en a même inventé un ou deux. Musica l’a rencontré sur le parcours de sa tournée mondiale, lors d’un récital à Budapest. L’occasion pour nous de découvrir un homme qui est aussi un amuseur : il n’hésite pas à faire quelques commentaires à l’adresse du public au cours de ces concerts.
« Il y a des années, je me suis rendu compte que la musique est avant tout sociale”, nous confie Chick Corea. “On peut jouer pour soi-même, tout seul, cela peut aussi être amusant, mais en réalité, la musique est quelque chose que l’on échange pour apporter du plaisir, pour chanter et danser, pour donner de la légèreté à la vie et pour remonter le moral d’une manière ou d’une autre”, poursuit-il, “donc, j’aime essayer de produire cet effet : dans tous lieux où je me produis, c’est mon objectif ».
Budapest, avec son parfum d’Europe centrale, peut se targuer d’une tradition musicale remarquable notamment portée par l’Académie Liszt. Récemment restaurée, cette institution a retrouvé tout son éclat.
« Ce concert de Chick Corea a une valeur symbolique”, souligne Imre Szabo Stein, responsable de la communication de l’Académie, “parce que Franz Liszt a été le premier dans l’Histoire de la musique à donner un concert solo, un récital, à Rome en 1839, il a inventé cette forme musicale !” rappelle-t-il avant d’ajouter : “donc, lors du récital de Chick Corea, c’est comme s’il avait lui-même rendez-vous avec Franz Liszt ! »
Mais poursuivons notre entretien avec le pianiste américain : il nous livre son sentiment sur le monde actuel. “Je reconnais que l’art et la culture devraient avoir une place plus importante”, dit-il. “Mais la créativité est en chacun de nous, chaque individu a sa propre créativité et c’est une question de prise de responsabilité que de l’exprimer, de la pousser pour qu’elle se réalise”, affirme-t-il avant de lancer : “ce ne sont pas les lois et la bureaucratie qui créent, mais les individus qui font des choses”.
Lors de ce récital, Chick Corea a tenu à rendre hommage à l’un des plus grands compositeurs hongrois, Béla Bartok qui a d’ailleurs joué sur la scène de l’Académie Liszt, en interprétant notamment une “Bagatelle”. “Il a été le premier compositeur classique qui m’a intéressé quand j‘étais au lycée”, indique-t-il au public. « J’avais l’habitude de jouer du Bach et du Mozart, mais ils ne m’intéressaient pas trop à l‘époque : ils sont bien, mais Bartok, wow !» s’enthousiasme-t-il.
Enfin, le musicien, aujourd’hui âgé de 72 ans, nous avoue : « j’aime continuer à jouer parce que c’est ma vie et je crois que la meilleure chose que je puisse offrir à ceux qui m’entourent et au public, c’est ma musique !»