« À l'exception du second mouvement, le morceau est très dynamique, plein d'accents et de petits détails ce qui pour Ravel, je pense, était du jazz », explique Stefano Bollani. « Ce n'est pas tellement l'aspect improvisation mais plutôt tous ces accents irréguliers qui sonnent comme un Big Band américain. Et ce n'est pas un hasard si ce concert a été écrit après le voyage de Ravel en Amérique où il avait pu écouter du jazz en vrai. » Bollani poursuit : « Ravel était surnommé l'horloger suisse par son ami, entre guillemets, Stravinsky car il était très minutieux, presque froid dans son travail. Bien sûr, l'interprétation ne devrait pas être froide, mais on peut y ajouter une couche de glace qui, à mon avis, correspond à Ravel et je pense qu'il aurait apprécié. Il est souvent considéré comme un compositeur romantique, mais pour moi, cet ingrédient un peu mièvre est absent dans la musique de Ravel. »
Que pense un chef d'orchestre de renommée mondiale comme Daniel Harding d'un musicien de jazz comme Bollani interprétant un morceau de classique ? « J'aime beaucoup sa façon de jouer qui est sans prétention », répond-il. « Bollani aime cette musique, il est très sensible à cette énergie sans fin. Dans le second mouvement, avec cette extraordinaire, magnifique ligne harmonique... Et bien sûr, en tant que musicien de jazz, son oreille pour l'harmonie est fantastique. Mais son approche n'est peut-être pas la même que la nôtre et il y a quelque chose de beau dans cette sorte d'honnête presque enfantine avec laquelle il aborde le morceau. Il joue d'une manière qui me fait aimer le morceau ou qui me rappelle que j'aime le morceau, et c'est génial. »
Stefano Bollani ajoute : « Quand on parle de ce concert, on fait référence au second mouvement qui est certainement le moins jazzy des trois mais qui est le plus difficile à jouer pour le pianiste. On ne dirait pas quand on regarde la partition, mais c'est assez difficile de garder la même tension tout le temps. C'est là que j'aimerais ajouter ma couche de glace car c'est un morceau qui ressemble beaucoup à du Mozart, qui est très lyrique mais aussi très posé. Et comme cette musique est très belle, le risque, c'est de se laisser aller et de la faire chanter tout le temps. Mais comme elle dure plus de huit minutes, si on la fait chanter tout le temps, cette musique ne sonnera pas du tout chantée. Donc il faut choisir précisément quand on veut émouvoir le public et quand on veut s'émouvoir soi-même. »
Dans ce reportage, vous pouvez entendre des extraits de Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et du Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel.