La soprano allemande Ricarda Merbeth faisait ses débuts dans le rôle-titre, livrant une performance déchirante. « Ce qui me fascine chez cette Elektra, c'est bien sûr ce désir de vengeance, cette soif de vengeance qu'elle exprime déjà dans le monologue, » indique la soprano avant d'ajouter : « Elektra passe par tous les états émotionnels au cours de cet opéra. »
La vengeance est au cœur de cet opéra en un acte de Strauss de 1909 à la trame implacable tirée de la tragédie grecque Électre. Son héroïne principale veut se venger de sa mère qui a assassiné son père. « C'est essentiellement une tragédie dans laquelle un meurtre en entraînera un autre, » explique le chef d'orchestre Christoph von Dohnányi. « C'est probablement la raison pour laquelle, » poursuit-il, « on peut très bien sentir et comprendrepourquoi cette femme a cette obsession : celle de tuer les meurtriers de son père. »
Instant clé de cet opéra : la scène des retrouvailles où Elektra reconnaît son frère Oreste, interprété par le baryton allemand Michael Volle. « Elle l'a attendu pendant si longtemps, » précise Ricarda Merbeth. « Et finalement, » dit-elle, « il est là et maintenant, elle veut qu'il tue pour elle, pour réaliser le plan qu'elle a imaginé pour se venger. » Michael Volle renchérit : « Malgré ce destin menaçant et sanglant, c'est un moment incroyablement tendre qui est aussi rendu léger par la musique de Strauss bien entendu et on n'a plus qu'à se laisser aller, » assure-t-il.
Patrice Chéreau explore les tourments qui agitent les personnages dans cette production visionnaire qui fut sa dernière mise en scène en 2013. « Comme le disait Daniel Barenboim qui a beaucoup travaillé avec lui,» souligne le baryton allemand, « il était incroyablement inspiré par la musique — même si sa formation n'était pas musicale — et par la musique la plus complexe comme Tristan et Isolde, Wozzeck, Elektra parce que c'était un homme de scène, un artiste universel, un génie. Il avait tellement à exprimer et il créait une atmosphère qui n'avait pas du tout besoin d'opulence, » s'enthousiasme-t-il.
Ricarda Merbeth évoque la clôture de cette œuvre : « Cet opéra se termine par une danse comme dans le monologue : Elektra voudrait tellement danser encore une fois avant de mourir. » « Patrice Chéreau voulait cette attitude en particulier : confrontée à ce besoin de danser alors qu'elle n'en est plus capable, elle plonge dans un vide infini, » conclut-elle.