Quiconque a joué dans l’Orchestre de Count Basie peut se prévaloir d’appartenir à une génération extraordinairement privilégiée, ayant non seulement assisté mais surtout participé à l’explosion mondiale du swing et de cet art si délirant qu’on appelle « le jazz ». Ici, un groupe de vétérans est réuni sous la direction du légendaire Joe Williams pour un concert au Jazz Club de Bruxelles en 1981. Williams n’apparaît cependant qu’à la seconde partie du concert, laissant à son ensemble le soin d’introduire la soirée avec des tubes comme « Stardust » et « Little Pony ». Et cette introduction pourrait suffire à elle-même tant les musiciens, chacun maître de leur solo, enflamment le public dès leur entrée en scène.
Quand Joe Williams entre en scène, l’événement prend un autre tournant. L’élégance habite chacune des notes qui s’allongent et sa voix cassée, plongeant dans les gravités les plus sourdes, nous renvoie tout droit aux racines du jazz. Le génie de Williams provient de cette dualité, et les chansons qu’il entonne résument à elles-mêmes la tradition orale de cet art, dont les compositeurs d’origine ont comme naturellement disparu des mémoires. Un concert qui vous berce dans les cendres et la romance de l’Amérique : « Cet air vient de la plume d’un homme que j’ignore, et parle d’une scierie… un homme acharné dans son travail, ne trouvant pas le bonheur auprès de sa femme. »
