Par ces quelques mots, celui qui fut l'un des plus grands chefs d'orchestre de l'histoire nous dévoile l'un des secrets de son immense succès : un engagement total au service de la musique. Connu pour son tempérament passionné, son caractère parfois despotique et son implication inébranlable envers ses pairs et ses projets, Arturo Toscanini a façonné une carrière remarquablement riche, et toujours engagée. Découvrez aujourd'hui sa contribution, inspirante et toujours d’actualité, à l'histoire de la musique.
Les débuts
Né le 25 mars 1867 à Parme, en Italie, Arturo Toscanini grandit dans une famille meurtrie par la guerre. Son père, Claudio, fut l’un des compagnons de Garibaldi et tente après des années de prison de se reconvertir en tant que tailleur. Sa mère, Paola, tient la boutique et élève ses enfants. La famille manque d’argent et la santé d’Arturo est fragile, mais il est bon élève et son institutrice finit par remarquer ses qualités artistiques.
C’est ainsi qu’à l'âge de 10 ans, Arturo entre au conservatoire de Parme, où son père réussit à lui obtenir une bourse. Il y fait ses classes de violoncelle avec Leandro Carini et étudie la composition avec le directeur du conservatoire, Giusto Dacci.
Obstiné, énergique, Toscanini cultive déjà son immense don par le travail et se fait rapidement un nom dans le milieu musical italien.
La carrière de chef de Toscanini, entre l'Italie et les États-Unis
Ses études au conservatoire terminées, Toscanini se lance dans une carrière prometteuse de violoncelliste. Mais l'envie de diriger le rattrape : en 1886, alors qu’il est embauché en tant que premier violoncelle, une mutinerie de son orchestre renvoie le chef et Arturo décide de prendre sa place. A l'âge de dix-neuf ans, il fait ainsi ses débuts en tant que chef d'orchestre en dirigeant Aida de Verdi à Rio de Janeiro.
Son talent pour la direction attire l'attention de nombreux programmateurs et orchestres. Il multiplie les expériences avec l'orchestre de l'Opéra de Buenos Aires, l'Orchestre de Turin ou encore l'Orchestre Symphonique de Saint-Pétersbourg. En 1898, il est finalement nommé directeur musical de la Scala : c'est le début d'une association légendaire avec l'une des plus grandes scènes lyriques du monde. À la Scala (dont vous pouvez découvrir les productions disponibles sur medici.tv dans notre playliste La Scala), Toscanini dirige de nombreuses premières mondiales d'opéras de compositeurs italiens tels que Puccini, Verdi et Mascagni, et contribue à façonner, par sa vision et ses choix artistiques, notre répertoire lyrique moderne.
La carrière de Toscanini prend un tournant décisif lorsqu'il se lance aux États-Unis à partir de 1908. Chef invité du Metropolitan Opera de New York, il se fait un nom auprès du public américain qui apprécie particulièrement ses interprétations précises et passionnées. Véritable adepte de la modernité, Toscanini s’intéresse aux progrès techniques de son temps et réalise son premier enregistrement dès 1920, avec l'orchestre de la Scala.
En 1926, Toscanini est nommé chef principal de l'Orchestre philharmonique de New York (New York Philharmonic), avec lequel il entame une longue et fructueuse collaboration qui durera 11 ans. Après son départ de l’orchestre en 1936, Toscanini est invité à diriger les Concerts de la NBC (NBC Symphony Orchestra), un ensemble formé spécialement pour lui par la Radio Corporation of America (RCA). Ces concerts hebdomadaires radiodiffusés contribuent à faire du maestro une figure centrale du paysage musical aux États-Unis. Il dirige à cette occasion un concert mémorable diffusé dans l'Amérique entière avec la NBC Symphony Orchestra pour rendre hommage aux victimes de la Seconde guerre mondiale.
L'influence de Toscanini
Toscanini aborde tous les répertoires, ose toutes les expériences et toutes les nouveautés, mais il est particulièrement réputé pour ses interprétations magistrales des opéras italiens, en particulier ceux de Verdi et de Puccini. Pour explorer ce répertoire cher au cœur du maestro, découvrez notre playliste consacrée à l’opéra italien. Il assure la création de La Bohème de Puccini à Turin et celle de Turandot à la Scala. Malgré son implication particulière dans les créations de ses contemporains italiens, Toscanini n’en reste pas moins un grand spécialiste de Wagner, dont il joue toutes les premières italiennes. Cette relation privilégiée avec les œuvres du compositeur allemand s’épanouit pendant près de soixante ans. Les concerts d’adieu de Toscanini, d'abord à la Scala de Milan en 1952 puis à New York en 1954, sont d’ailleurs tous deux consacrés à la musique de Richard Wagner. Il produit également avec la NBC des enregistrements de référence des opéras de Verdi ou encore des symphonies de Beethoven, dont il est aussi un grand admirateur.
En perpétuelle recherche d’exigence, Toscanini est aussi connu pour ne ménager ni ses musiciens, ni son public. Avec les premiers, il entretient une relation bienveillante mais fondée sur l’obéissance et le travail. Il oblige par exemple les musiciens historiques du Regio de Turin à repasser une audition devant lui pour contrôler leur niveau et alloue des placements définitifs à l’orchestre. C’est sous sa direction, et peut-être même sous sa contrainte, que ses orchestres ont obtenu un niveau de virtuosité et d'expressivité encore jamais atteint. Son oreille aiguisée n’admettait pas d’approximations et sa volonté musicale devait être absolument respectée. Quant au public, il doit évidemment être partie prenante du rendez-vous ritualisé auquel il assiste. Les dames enlèvent leur chapeau, la salle est plongée dans la pénombre. Toscanini crée et standardise ainsi les conditions les plus propices à une écoute attentive et un travail sérieux, dont les orchestre et leur public bénéficient encore aujourd’hui.
Toscanini est enfin l’une des personnalités artistiques les plus entières et engagées de son temps, et fait encore aujourd’hui figure d’exemple pour ses positions politiques sans concessions. Il s’éloigne d’abord de Mussolini puis se positionne fermement contre le nazisme. En 1936, lors d'un concert de l'Orchestre philharmonique de New York à Berlin, Toscanini refuse de saluer le drapeau nazi avant son concert. Fervent défenseur des droits de l'homme, il refuse également de se produire dans des salles de concerts ségrégationnistes et exprime en toutes circonstances son soutien aux causes antifascistes et antinazies.
En conclusion...
Toujours au service de la musique, Arturo Toscanini n’a jamais fait de concessions, ni dans sa vie, ni dans son art. Artiste et homme entier, parfois emporté, toujours exigeant, Toscanini a forgé la grandeur de la Scala, développé le répertoire du Metropolitan Orchestra et donné vie à des dizaines de créations devenues de grands classiques. Grand interprète, il laisse derrière lui des enregistrements de référence, qui peuvent encore nous faire apprécier la précision de sa baguette, l’élan de ses phrasés et la richesse de son répertoire.