Bien que le ballet soit né dans les cours d'Europe, c'est en Russie qu'il s'est développé en la forme d'art qu'on connait le mieux aujourd'hui – en particulier avec le ballet dramatique, ou balet-dram, dont l'apogée fut le trio de chefs-d'œuvre de Tchaïkovsky: Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant, et Casse-Noisette. Tout aussi importante était la qualité de l'enseignement, qui produisit des danseurs aux facultés extraordinaires. Nijinsky, Pavlova, Karsavina et Massine n'étaient que quelques-uns des danseurs dont la renommée s'est étendue dans le monde entier.
Ces étoiles étaient admirées à l'étranger, souvent lors de tournées hâtivement organisées. Les Ballets Russes de Diaghilev avaient ainsi une saison parisienne et londonienne au début des années 1900, et entreprirent même une tournée aux États-Unis pour la saison 1916-1917, conclue par des représentations au Metropolitan Opera de New York.
Les admirateurs de Kirov seront particulièrement heureux de voir ici le premier acte de La Fleur de pierre dansé par les principaux interprètes des premières représentations. Le ballet, dans la chorégraphie originale de Leonid Lavrovsky pour le Bolchoï, ne fut pas bien reçu et fut rapidement retiré du répertoire. Peu de temps après, Youri Grigorovitch monta l'œuvre pour le Kirov dans une version qui eut les faveurs à la fois de la critique et du public. C'est également ce ballet qui mit en valeur le duo en pleine ascension formé par les deux jeunes étoiles les plus brillantes du Kirov, Youri Soloviev et Alla Sizova.
Soloviev est l'un des trois danseurs qui dominèrent le contingent masculin de la compagnie, les deux autres étant Mikhaïl Barychnikov et Rudolf Noureïev. Les danseurs n'étaient pas de féroces rivaux. Noureïev et Soloviev étaient amis, et partagèrent une chambre pendant un temps, tandis que Barychnikov était relativement nouveau dans la compagnie et n'avait pas encore son statut de superstar.
Ces extraits témoignent de la diversité des talents que possédaient les danseurs du Bolchoï. La brillante et ambitieuse Kitri de Plissetskaïa dans Don Quichotte est bien loin de la célèbre Odette dans Le Lac des cygnes, et pourtant toutes deux ont été saluées comme définitives. Maximova, dont le charme espiègle ravissait dans les rôles plus légers, est tout aussi éloquante en Giselle spectrale. La Cendrillon de Stroutchkova vogue à travers les airs dans ses solos tout en révélant une pure poésie dansée dans son pas de deux avec Lavrovsky, partenaire impeccable. Timofeïeva fit des débuts prometteurs en reine des cygnes, mais l’exubérance et la vigueur déployées dans l'extrait de Gayaneh sont celles d'une ballerine décidée à éblouir. Ceux qui ont vu le puissant Spartacus de Vassiliev, tour de force théâtral, ne reconnaîtraient guère le danseur qui excellait dans des rôles comiques comme Basilio plus tôt dans sa carrière.
La plus célèbre et la plus aimée de toutes les ballerines russes fut sans doute Galina Oulanova. Sa carrière démarra avec le Kirov, mais en 1914 elle rejoignit le Bolchoï, devenant ensuite la prima ballerina assoluta de la compagnie. Elle était la plus lyrique des ballerines, avec une plasticité et un phrasé legato naturellement musicaux. Elle était de plus une constante source d'inspiration pour les plus jeunes ballerines de la compagnie, exerçant une influence particulièrement forte sur Maximova, qui prospéra sous sa tutelle. Pour les Russes, Oulanova s'est rapprochée de la sainteté artistique plus que tout autre danseur de leur histoire.