Abbado et l'Orchestre Philharmonique de Berlin dans l'intégrale des symphonies de Beethoven : au tour de la Cinquième…
La Cinquième, c'est Beethoven, tout simplement. Il commence à écrire la Symphonie n° 5 en ut mineur op. 67 en 1805 pour l'achever en 1808, en même temps que la Sixième Symphonie (« la Pastorale »). Elles seront d'ailleurs créées au cours de la même soirée, le 22 décembre 1808 à Vienne. C'est à ses quatre premières notes que l'œuvre doit d'être la plus fameuse de toutes les pages de la musique classique occidentale, et peut-être de la musique tout court : quatre notes très simples que Beethoven a décrites comme « le destin qui frappe à la porte », et dont va naître la symphonie toute entière. Laissons dire à d'autres notre admiration : « C'est très grand ! C'est absolument fou ! » (Goethe). « Elle exprime à un très haut degré le romantisme dans la musique, le romantisme qui révèle l'infini. » (E. T. A. Hoffmann)
« Avec Beethoven, on n'a jamais fini d'apprendre »
C'est ce qu'affirme Claudio Abbado qui a sans cesse remis sur le métier l'œuvre symphonique du maître de Bonn (1770-1827). Même s'il a été directeur de la Scala de Milan pendant plus de quinze ans, ce qui lui a valu la renommée d'un chef d'opéra hors pair, le répertoire allemand et viennois lui est familier depuis ses études auprès de Hans Swarowsky à Vienne.
Il fait ses premières armes de chef à la Scala à vingt-sept ans, à l'occasion du tricentenaire d'Alessandro Scarlatti. Puis, c'est le Premier Prix au Concours Mitropoulos à New York, l'invitation de Karajan à diriger à Salzbourg et ses débuts devant l'Orchestre Philharmonique de Vienne avec la Deuxième Symphonie de Mahler. C'est avec ce même orchestre qu'il enregistrera de 1985 à 1988 sa première intégrale des symphonies de Beethoven.
Mais ses relations avec la formation viennoise connaissent des hauts et des bas, contrairement à celles qu'il noue avec l'Orchestre Philharmonique de Berlin en 1966. Trente ans plus tard, en 1989, il prendra la succession d'Herbert von Karajan à la tête de la prestigieuse phalange, poste qu'il conservera jusqu'en 2002. Avec les musiciens berlinois, il enregistre pour la seconde fois l'intégrale des symphonies de Beethoven (Deutsche Grammophon, 2000) puis la donne en concert à l'Académie Sainte-Cécile de Rome du 5 janvier au 15 février 2001. C'est cette série mémorable qui a été filmée à Rome, à l'exception de la Neuvième Symphonie captée elle à Berlin.
Le monument beethovenien
Ce monument auquel est tant attaché Claudio Abbado, Beethoven l'a bâti en moins d'un quart de siècle, de 1799 à 1823 : il écrit la Première symphonie à trente ans, la Neuvième à cinquante-quatre. Et si ce monument est imposant, il est familier : les symphonies de Beethoven représentent dans la musique occidentale ce qui parle le plus immédiatement au public le plus large. Pour cette raison, elles ont été largement utilisées à des fins politiques (l'Ode à la joie de la Neuvième est l'hymne officiel européen), commerciales (la publicité) ou cinématographiques (Orange mécanique de Stanley Kubrick, entre autres).
Symboles de liberté, actes d'indépendance, elles représentent un formidable pari sur la dignité de l'homme, qui, en retour, se reconnaît en chacune d'elles. C'est ainsi qu'Abbado dirige ces œuvres, avec une majesté qui préfère le sublime à l'émotion immédiate. Et grâce aux sonorités inouïes qu'il tire de l'Orchestre Philharmonique de Berlin, la beauté devient une victoire de l'homme.