Disparu trop tôt, le prince du violon russe enregistré à Paris dans un concerto de Beethoven mémorable.
Enfant, le petit Leonid ne peut pas s'endormir sans que son père Boris, photographe professionnel et violoniste amateur, ne vienne jouer auprès de lui. Fasciné par la sonorité de l'instrument, il veut jouer lui aussi et son père lui apprend les rudiments. À dix ans, il entre au Conservatoire de Moscou dans la classe de Yampolsky, un disciple du fameux pédagogue Leopold Auer. Pour cela, ses parents ont dû quitter l'Ukraine pour s'installer avec leur fils à Moscou. Ses progrès sont très rapides et en 1936, le violoniste Jacques Thibaud, de passage à Moscou, lui prédit un avenir prodigieux. Thibaud ne s'est pas trompé. Mais la mort, en fauchant Leonid Kogan à cinquante-huit ans dans un accident de train, l'empêchera de réaliser tous ses rêves de musique.
Insatiable, pour ne pas dire boulimique, Kogan a plusieurs vies : celles de musicien de chambre, de concertiste (il peut jouer jusqu'à trois concertos par concert), de pédagogue (il enseigne au Conservatoire de Moscou), d'explorateur de nouveaux répertoires (il est le premier violoniste soviétique à jouer les concertos de Berg, Barber et Jolivet), de père de famille (il est marié avec la sœur d'Emil Guilels) et de… collectionneur de voitures !
Pour vivre tout cela, il aura fallu que Kogan, juif en URSS sous Staline, franchisse bien des obstacles : son Premier Prix au Concours Reine Élisabeth de Belgique, avec David Oïstrakh et Jacques Thibaud dans le jury, lui ouvre les portes. En 1955, il fait ses débuts à Londres et Paris avant de remporter un triomphe aux États-Unis dans le Concerto pour violon de Brahms dirigé par Pierre Monteux : le public l'ovationne pendant dix-huit minutes.
En 1966, Leonid Kogan est à Paris et il interprète le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Beethoven avec l'Orchestre National de l'ORTF dirigé par Louis de Froment : c'est la pureté de sa sonorité qui séduit d'emblée, puis l'extrême élégance de son jeu et sa sensibilité contenue. À la fresque beethovenienne, Kogan fait succéder l'épure de la Partita n°2 en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, offerte en bis au public. Une manière de mesurer l'équilibre parfait atteint ici par ce prince du violon.