Nul autre que le ténor allemand Jonas Kaufmann ne pouvait incarner le chevalier au cygne. « J'ai presque assimilé Wagner avec le lait maternel. Quand j'étais enfant, il était toujours en arrière-plan. Quand on écoute cette musique au compte-gouttes, elle s'ancre profondément en vous. Quelques années plus tard, quand je me suis penché plus près sur la musique, il y a tellement de souvenirs qui me sont venus en tête, que j'avais l'impression d'avoir été enterré. »
La prestigieuse Scala de Milan a ouvert sa saison avec le chef d' œuvre de Wagner, sous la direction de Daniel Barenboim. Chaque artiste rêve de se retrouver un jour sur cette scène. Jonas Kaufmann garde un souvenir très vif de sa première apparition : « C'était évidemment très excitant pour moi à l'époque. Je me se souviens de cet instant, avant la levée de rideau, quand les premières notes ont retenti. Ça a eu sur moi un tel impact que je me suis dit : Oh, mon Dieu, je suis sur la scène de la Scala! »
Dans Lohengrin, Elsa de Brabant est injustement accusée d'avoir tué son frère. Un chevalier apparaît alors pour la sauver, à condition qu'elle ne lui pose aucune question sur son nom. Mais elle commet la faute, obligeant ainsi le chevalier à la quitter. Le personnage de Lohengrin est difficile à interpréter car il est tiraillé entre sa mission et ses sentiments. « Il y a de nombreux moments où le héros apparaît tout à coup, comme un éclair, et prononce deux ou trois phrases très dures, froides, puis cela s'efface et il redevient l'amant qui s'est épris d'Elsa et qui veut la protéger. Et donc sa mission passe progressivement en arrière-plan pour laisser place à ses sentiments. » explique Jonas Kaufmann.
« J'aime la faillite du personnage, sa complexité. Jouer un super héros, qui n'a aucun défaut, c'est très ennuyeux je trouve. C'est bien plus intéressant de jouer un personnage qui a plusieurs facettes, qui est guidé par ses émotions », poursuit-il avant de conclure. « Pour moi, l'un des moments les plus magnifiques se situe à la fin de l'opéra, quand le cygne revient. C'est si fragile, si doux, si délicat. Il ne reste plus rien du glamour et de la gloire du héros, si ce n'est ce petit être humain qui sait qu'il a échoué. »