Une phrase résume ce que représente l’industrie musicale pour les musiciens des débuts du jazz et du boogie woogie. Elle est prononcée par Sammy Price, introduisant sa chanson : « Habituellement vous ne recevez rien pour ça, jusqu’au moment où vous avez dépassé une certaine limite ». En effet, un bon nombre de titres joués par Price et son All Stars sont des reprises de mélodies jazz du répertoire américain du XIXe, dont la transmission était surtout orale.
Par ailleurs, les musiciens noirs étaient rarement rémunérés. Dès que les spectacles ont perdu leur aura pendant une décennie, les blancs ont dominé la scène et la sélection des musiciens s’est faite essentiellement par la couleur. Ici en 1958, on note que Price nommait encore son groupe le « Negro All Stars », ce qui en dit long sur leur statut social.
Le résultat est que l’ensemble All Stars que l’on voit ici n’est pas aussi connu qu’il le mériterait. Price est un leader charismatique et talentueux, Taffy Douglas est une belle trouvaille pour l’auditeur d’aujourd’hui, un chanteur avec la grâce et l’élégance de jadis, Eddie Barefielf apporte une douceur unique au saxophone comme à la clarinette et le long solo de batterie confié aux mains de J.C Heard est d’une maîtrise indéniable. Ne serait-ce qu’en archive, ce film est un trésor.