Cette belle archive de concert donne un aperçu du « cas Thelonious Monk », un inclassable y compris dans le monde du jazz. Si l’on confond souvent à tort excentricité et génie, les deux ne font qu’un chez Monk. En effet, ses bizarreries – sa posture très droite, ses danses scéniques privées durant les solos de ses compagnons musiciens – ont souvent monopolisé les dires à son sujet. L’année qui suivit ce concert par exemple, il apparaît en couverture du Magazine TIME et l’article, faisant la passe sur la qualité de son jeu, n’élude aucune de ses manières fantasques.
Cependant Monk ne s’est jamais soucié que de musique, musique qu’il n’entendait simplement pas comme les autres. Il déconstruit, bouleverse les codes et réarrange à sa manière l’univers pianistique en y introduisant dissonance et subversion, et sa recherche d’une beauté crystalline passe par une géométrie oblique dont la plupart des pianistes se seraient volontiers passés. Son art est comparable à celui de Picasso – insaisissable, libre, irrésolu – quoique plus proche du réel dans son résultat. Avec son quatuor en 1936, Monk enregistre des classiques du répertoire, comme « Criss Cross » et « Monk’s Dream », avec Frankie Dunlop dans un long solo de batterie.
