Né en Allemagne, formé en Italie et naturalisé anglais, Georg Friedrich Händel était l'un des compositeurs d'opéra les plus importants, innovants et cosmopolites de la période baroque (1600-1750), un véritable homme de théâtre.
Avec une imagination mélodique inépuisable, Händel a su transmettre l'humanité nuancée des personnages de ses opéras, malgré les limitations de la structure de l'opéra italien de son temps (aussi à la mode à Londres qu'à Rome ou à Venise). L'alternance de récitatifs (un mélange de parole et de chant dans lesquels se concentre tout le cours dramatique de l’oeuvre), des airs (moments de pause dramatique dans lesquels le chant virtuose brille, parfois avec une perfection instrumentale), et des choeurs forment le schéma d'où naquit une création lyrique si effervescente qu'elle va provoquer des rivalités entre compositeurs et une concurrence commerciale entre les théâtres d’opéra d’une même ville. Cette atmosphère de compétition et la demande incessante du public pour des opéras nouveaux, de plus en plus impressionnants, incitaient constamment des compositeurs comme Handel à explorer l'avant-garde !
En 1724 —en seulement 20 jours et la même année que deux de ses chefs-d'œuvre: Giulio Cesare et Rodelinda— Handel écrit Tamerlano et conteste plusieurs règles, écrites ou tacites, donnant par exemple l'un des rôles principaux dans cette oeuvre à un des ténors les plus reconnus de son temps, à une époque où les rôles masculins des opéras étaient chantés par des castrats, acclamés pour la qualité « surnaturelle » de leurs voix. De plus, contrairement à d'autres opéras baroques avec le même livret, Handel met en musique des moments d’une brutalité inhabituelle, notamment un suicide. La mise en scène minimaliste et élegante de Pierre Audi permet à un casting stellaire de mettre en évidence ces éléments dramatiques, montrant que l'opéra baroque peut continuer à nous toucher aujourd’hui, comme il l’a fait il y a 300 ans.