Herbert von Karajan n’est pas seulement un des chefs d’orchestres les plus prolifiques du XXème siècle. Féru de technique, à l’affût des dernières innovations technologiques, il maniait une caméra comme un enfant joue au petit train. L’amitié du chef d’orchestre et du PDG de Sony, Norio Ohga, présent aux derniers jours de la vie de Karajan, témoigne du souci d’aligner la beauté du son à celle de l’image, pour en faire profiter le plus grand nombre. Créée en 1982 pour réenregistrer les symphonies essentielles telles qu’il les voyait à son âge, Télémondial est le fruit du travail pointilleux du chef, conscient du caractère éphémère de l’art orchestral et du rôle clé des techniques d’enregistrement pour en perpétuer la mémoire.
Suivant ses propres intuitions, souvent à contre-courant des artistes qui l’ont initié à l’art cinématographique, il fonde une esthétique nouvelle où la lumière, judicieusement orientée, se subordonne au son pour en révéler la puissance. « Je sais pertinemment que je crée l’image visuelle d’un concept qui est en fin de compte musical », confie-t-il pour résumer son art. La baguette du maître semble tout mener : l’orchestre, l’image, sa vie, et le destin des grandes œuvres que ces vidéos immortalisent.
Réalisé par l’allemand Georg Wuebbolt, ce documentaire suit l’évolution du « maestro de l’écran », depuis les premiers enregistrements de concerts à Tokyo en 1957 jusqu’à ses derniers jours, en passant par l’élaboration de ses projets – Cosmotel en 1966 et Télémondial en 1982. On y retrouve les plus grands avec qui il a étroitement collaboré : le CEO de Sony de 1982 à 1989, le président de Sony Classical de 1988 à 1994, les directeurs généraux du New York MET Opera, d’Unitel, des représentants de la Deutsche Grammophone. Les témoignages des musiciens du Wiener Philharmoniker et du Berliner Philharmoniker, des équipes techniques (directeur de photographie, monteur) et de son entourage et personnes qui connaissaient sa vie personnelle (son biographe, les journalistes, sa secrétaire) donnent à voir les multiples facettes du personnage devenu mythique, amoureux – jusqu’à en devenir le dictateur – du son et de l’image, quand elle se mêle à la musique.