Cinq ans après la disparition de Rostropovich, Moscou accueille le festival qui porte le nom du violoncelliste le plus talentueux du XXème siècle. Les concerts se succèdent depuis la fin mars et l'hommage va durer jusqu'à fin avril. Dans le cadre du festival, une nuit spéciale a été consacrée à Sergei Prokoviev, le grand compositeur russe.
L'orchestre philarmonique de Londres a joué sous la direction de Vladimir Jurowski, son chef d'orchestre depuis 2006. Jurowski, un moscovite. Un citoyen du monde.
« N'oubliez pas que nous sommes des musiciens, nous sommes comme des gitans », souligne Vladimir Jurowski. « Je suis né et j'ai grandi à Moscou mais j'ai du sang juif. Mes ancêtres venaient d'ailleurs, ils ont du s'intégrer. J'ai quitté mon pays à l'âge de 18 ans et j'ai du m'adapter à la vie en Allemagne. Après j'ai beaucoup travaillé aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie et en France. Alors où que j'aille, j'essaye d'assimiler les us et coutumes des différents pays. Mais bien entendu sans jamais perdre ma propre identité. Je me sens comme je me suis toujours perçu : un artiste russe avec une éducation soviétique et ça me va très bien ! »
Prokoviev a également vécu loin de la mère Russie. Exilé volontaire pendant 14 ans, le compositeur revient à Moscou au début des années 30. Son œuvre crée la polémique. Le régime soviétique l'accuse d'avoir un style trop bourgeois. Ironie du sort, il meurt une heure avant Staline en 1953. Sa disparition passe donc presque inaperçue. Mais aujourd'hui, son œuvre est l'une des plus jouées à travers le monde.
« Prokoviev est encore une énigme pour beaucoup de gens », analyse Vladimir Jurowski. « Il est le mélange d'une incroyable vitalité et d'un certain côté obscur. Dans cette personnalité si brillante, si solaire, il y avait un aspect démoniaque. Un côté menaçant, relativement irrationnel. Donc d'une certaine façon il était vraiment Russe pour cela, même s'il a toujours prétendu qu'il était résolument occidental dans tout ce qu'il faisait ».
« Prokoviev a décrit précisément dans son œuvre l'état d'esprit, l'esprit du temps qui régnait tout au long du début du 20ème siècle », poursuit le chef d'orchestre. « C'était un homme de son époque. Je pense qu'il serait intéressant d'étudier l'histoire du siècle dernier en ayant en main des partitions de Prokofiev. »
Et s'il fallait choisir quelles partitions, la cantate Ivan le Terrible serait une belle suggestion.