L'Orchestre symphonique de Boston joua la « Grande » Symphonie n°9 de Schubert pour la première fois lors de sa saison inaugurale en 1885 – quarante-six seulement après que Schumann l'eut découverte et que Mendelssohn en eut dirigé la première exécution. Presque tous les directeurs musicaux de l'Orchestre symphonique de Boston l'ont programmée, et l'orchestre l'a enregistrée trois fois, sous les baguettes de Charles Munch, William Steinberg, et du premier chef invité Colin Davis.
Dirigeant sans partition et sans baguette, Leinsdorf assure une interprétation qui est vive sans tomber dans la précipitation de Munch. Il a visiblement été attentif en répétition – et continue de l'être en concert – aux détails d'articulation, à la netteté rythmique et aux questions d'équilbre, mais il laisse ses premiers instruments s'exprimer, et notamment, dans ce morceau, le hautboïste Ralph Gomberg.
Dans l'un de ses ouvrages, Leinsdorf fait la distinction entre les chefs d'orchestre qui se contentent de « régler la circulation » et ceux qui font de la musique. Sa gestion du « trafic » est méticuleuse, et il contrôle expertement chaque transition d'un tempo à l'autre. Il n'est pas amusant à regarder comme peuvent l'être de nombreux chefs post-Bernstein ; il accorde toute son attention à l'orchestre et à la musique. (Leinsdorf fit une remarque pertinente au sujet de l'influence néfaste de la télévision sur la direction d'orchestre : selon lui, les chefs s'étaient mis à jouer autant pour la caméra que pour l'orchestre et le public.) Par ailleurs, il est extrêmement intéressant de voir une technique précise et virtuose en action ; tout ce que Leinsdorf fait avec ses mains transmet des informations aux instrumentistes.
La Quatrième Symphonie de Schumann était l'un des morceaux favoris de Leinsdorf, et il l'enregistra avec l'Orchestre symphonique de Boston pour RCA en dépit des objections du label qui craignait que le disque ne se vende pas. Pour ses interprétations des symphonies de Schumann, Leinsdorf préférait utiliser les modifications apportées par Mahler pour clarifier l'orchestration parfois confuse du compositeur, même s'il refusait d'accepter les recompositions occasionnelles de Mahler.
En 1963-1964, les retransmissions télévisées de l'Orchestre symphonique de Boston furent transférées au Symphony Hall, qui permettait un meilleur éclairage et des mouvements de caméra plus recherchés. Parsifal est un opéra que Leinsdorf donna 19 fois au Met entre 1938 et 1960, le dirigeant également au Teatre Colon de Buenos Aires. Des extraits de cet ouvrage, et parfois une longue page orchestrale qu'il avait créée en assemblant différents passages de l'opéra, figuraient au répertoire de base de Leinsdorf, lorsqu'il était chef invité, et à la fin de sa vie, il enregistra ses Extraits symphoniques de Parsifal avec l'Orchestre de la Radio du Sud-Ouest de l'Allemagne (par un fait curieux, Roger Norrington a lui aussi enregistré le collage de Leinsdorf).
À cette occasion, au Symphony Hall, Leinsdorf ne dirigea que l'Enchantement du Vendredi Saint du troisième acte dans sa version orchestrale réalisée par le propre Wagner. Cette lecture fait mentir le mythe selon lequel Leinsdorf n'était qu'un mécanicien doué. Sa chaleur sonore et la souplesse de son phrasé illustrent de façon saisissante à quel point il était totalement en phase avec tout ce qui, dans la vision de Wagner, est spirituel, miraculeux et d'une grandeur sacrée.
Source : Richard Dyer / ICA
Traduction : David Ylla-Somers